Berlinale (en ligne) — Jour 2

par Xavier Leherpeur

 

Le monde d’hier et celui d’aujourd’hui vus par deux cinéastes émanant de l’ancien bloc de l’est. Une chronique contemporaine du monde rural française… La Berlinale continue d’ausculter le monde sous un angle politique et sociétal. Au détriment parfois du cinéma.

 
Babardeală Cu Bucluc Sau Porno Balamuc de Radu Jude.

Babardeală Cu Bucluc Sau Porno Balamuc de Radu Jude.

Pour son premier film, le jeune hongrois Dénes Nagy se mesure au drame historique. Természetes Fény (Natural Light) nous plonge dans les tragiques heures de la seconde guerre mondiale à la suite de soldats de l’armée hongroise réquisitionnées par l’occupant nazi pour chasser les communistes et complices du régime soviétique. Un film mausolée, muséal et sentencieux qui se préoccupe tellement de l’ampleur (indéniablement travaillée et sophistiquée) de sa mise en scène et de son ambiance funèbre qu’il finit par faire de cette parabole sur notre propension à la déshumanisation un film austère (ça encore c’est appréciable) mais surtout théorique et abstrait. Ce qui est tout de suite plus délicat car plus stérile.

Babardeală Cu Bucluc Sau Porno Balamuc (Bad Luck Banging or Loony Porn) du roumain Radu Jude se définit comme une satire pamphlétaire. Avec pour point de départ une vidéo porno domestique mettant en scène une professeure et son mari, vidéo qui fuite et se retrouve sur le net. Le scandale est immense et dans un premier chapitre, la caméra suit le désarroi de la jeune femme pendue au téléphone cependant que le cinéaste filme régulièrement les stigmates de l’ouverture au consumérisme de son pays. Envahissantes enseignes de produits américains, grosses voitures polluantes, agressivité urbaine et individualisme : un cauchemar frénétique et bruyant comme écho à la crise traversée par son héroïne. Celle-ci se retrouve dans un troisième et dernier chapitre au procès que lui intentent les parents d’élèves réunis dans par un panel de silhouettes (un militaire, une femme voilée, un transgenre, une mère réac..) assez caricaturaux et qui illustrent la xénophobie, l’ostracisme et l’homophobie de l’actuelle société roumaine. Entre ces deux parties, une transition où Radu Jude jette pêle-mêle réflexions historiques, religieuses et politiques pour continuer d’enfoncer le clou de son message sociologique, message encombré par des lourdeurs démonstratives et des raccourcis flirtant avec la faute de gout idéologique. Bref c’est pesant et contre-productif.

Ce deuxième jour de la compétition s’est conclu avec la présentation du nouveau film de Xavier Beauvois. Après Les Gardiennes, retour au contemporain avec Albatros, drame rural et mari centré autour du personnage d’un jeune gendarme. L’impeccable Jérémie Rénier (au diapason d’une distribution sans fausse note) travaille à la gendarmerie d’une petite ville côtière près du Havre. Également découpé en trois mouvements, le film s’attarde d’abord à reconstituer son quotidien fait de petites arrestations, admonestations d’ados désœuvrés, suicide ou encore paysans récalcitrant à l’ordre sanitaire. Évocation réussie d’un monde en proie à une mélancolie dépressive jusqu’au jour où survient un drame. Drame auquel notre héros n’est pas étranger. Sa vie bascule autant que ses convictions et son engagement citoyen. S’ensuite une ultime partie où, en cherchant à se perdre, il trouvera une voie de salut et de rédemption. Un film sans fioriture qui se démarque peu à peu du ton factuel de la chronique quotidienne pour s’achever dans un romanesque osant même au final une pointe de lyrisme. Une tragédie sociétale, tendue entre terre et mer, qui va, sans lourdeur psychologique ni excès de sociologie, vers une lueur de (sur)vie assez bouleversante. Sortie (normalement) en août.

Albatros de Xavier Beauvois.

Albatros de Xavier Beauvois.