Berlinale (en ligne) — Jour 1
par Xavier Leherpeur
Le Festival de Berlin se tient cette année en ligne. Notre envoyé spécial Xavier Leherpeur racontera au jour le jour la programmation de cette nouvelle édition, quelque peu particulière. Premier épisode. Au programme : Un film faussement léger d’Hong Sangsoo, un essai graphique et mémoriel franco-libanais et une pesante fiction allemande.
Pas de doute, même en distanciel nous sommes bien au Festival de Berlin. Festival qui démarre donc on l’aura compris avec un goût de déjà-vu. Actrice reconnue (Deutschland 83, 86 et 89 à la télévision), et désormais réalisatrice, Maria Schrader a signé récemment la très intéressante série Unorthodox. Série saluée par la presse et par un large succès lors de sa diffusion sur Netflix. Las, elle ne réitère pas l’exploit dans Ici bin hein Mensch, long-métrage largement inspiré de la série Real Humans où une femme célibataire accueille chez elle pour le tester un robot censé être la version 2.0. de l’homme de ses rêves. C’est peu dire que le trait est forcé, desservant une intrigue prévisible à laquelle la cinéaste ne semble guère croire, inventoriant des situations dramaturgiques génériques pour regretter la sécheresse sentimentale de nos sociétés, appauvrissement émotionnel essentiellement dû aux nouvelles technologies prétendument sociales. Bref beaucoup de portes enfoncées par un récit mollement dystopique et une mise en scène aussi lisse que le visage de l’androïde.
Pas une Berlinale sans un film du très prolixe coréen Hong Sang-soo qui un an après son Ours d’argent de la mise en scène revient avec Inteurodeoksyeon (Introduction), film bref (66 minutes) où autour d’un acteur réputé, d’un jeune comédien en devenir, sa petite amie et un médecin neurasthénique, il brode un canevas narratif fait comme toujours chez lui de digressions, de brouillage temporel et de rêves en berne. Entre Séoul et Berlin ses héros se croisent, boivent et font le bilan mélancolique de leur vie. Comme toujours chez cet auteur, le scénario est subtilement édifié autour d’intrigues en écheveau. C’est indéniablement réussi mais avec cette petite limite de commencer à frôler un certain systématisme.
Meilleure pioche avec Memory Box du duo Joana Hadjithomas et Khalil Joreige auquel nous devions en 2008 le très beau Je veux voir avec Catherine Deneuve. Autour de trois générations (la grand-mère, la mère et la fille) et d’une boîte contenant les souvenirs de jeunesse de la mère - jeunesse passée dans les années 80 entre les tubes New Wave, les premiers émois et la guerre libanaise - les cinéastes questionnent avec infiniment d’inventivité graphique et sans tomber dans le piège de la “reconstitution” les stigmates de la grande Histoire et de son interaction avec notre vie personnelle. Depuis Montréal où vivent désormais ces trois femmes, ils racontent l’immigration forcée d’une classe intellectuelle et aisée, évoquent le rapport ambigu à la terre natale ainsi que le déni cathartique des traumas laissés derrière soi. Et réussissent un film où la recherche plastique optimise une fiction parfois moins alerte que leur mise en scène.