Cannes 2021 — Le vert est dans le fruit
par Xavier Leherpeur
Cette 74e édition devait être placée sous le signe fédérateur de l’écologie et des engagements pour une meilleure planète. Exit donc le catalogue offert aux journalistes et autres festivaliers qui durent s’acquitter également d’une participation de 24 euros de solidarité écolo. Idem pour les dossiers de presse qui ne sont désormais plus disponibles dans leur version papier mais uniquement en numérique. Aucun souci. On souscrit d’emblée à ce genre de réflexes citoyens.
Sauf que.
Si l’on décide de gratter rien qu’un peu la surface un peu vite repeinte en vers fluo, le festival n’a pas abandonné ses mauvaises habitudes. Pour des raisons sanitaires et surtout éviter les interminables files d’attente devant les salles qui se transformaient en pugilats dignes des bagarres des villageois dans les albums d’Asterix (« Non môssieur !! Je passerai devant vous car mon accréditation rose est bien plus ROSE que la vôtre !! »), le festival a décidé de digitaliser les accès en salles en nous invitant à réserver nos billets via une plateforme de tickets virtuels. Indéniable bonne idée mais l’enfer est, comme on le sait, pavé des meilleures intentions. Car le système bugue depuis trois jours, saturant la 4G locale et forçant les vaillants futurs spectateurs à rafraîchir une quarantaine de fois le site avant de pouvoir réserver un ou deux billets. Bref, internet tourne inutilement et à plein volume 24 heures sur 24. Et quand on sait que le seul fait d’ouvrir une fenêtre sur son ordinateur décapite au moins un arbre, chacun.e d’entre nous a désormais sur la conscience une large responsabilité dans la déforestation de l’Amazonie. Déforestation entamée par le catalogue qui n’est certes plus offert (aucun regret) mais toujours imprimé (raté pour les arbres) et vendu au prix ultra modique de 20 euros. Espérons qu’une partie des bénéfices ira à la nature et non pas dans la nature.
Quant au tapis rouge (changé comme au moins deux ou trois fois dans la journée et véhiculé en camion très gourmand en taxe carbone), il est toujours bien présent. Tout comme les laques et cosmétiques qui permettent aux stars, filles et garçons, de briller de leur mille feux, le tout au prix fort coûtant d’une couche d’ozone plus exsangue que jamais. Certes nous sommes au pays des merveilles de l’artifice, mais la promesse d’une édition green friendly et vertueuse est bien loin d’être tenue. La vertu a des vices.