Les Animaux Anonymes
Critique sur le film Les Animaux Anonymes de Baptiste Rouveure (sortie en salles le 29 septembre 2021) parue dans notre numéro 34.
par Noémie Luciani
Annoncé pour fin 2020, LES ANIMAUX ANONYMES, premier long métrage de Baptiste Rouveure, trouve dans la longue attente des nourritures d’autant plus précieuses que son parti pris est radical. Sur 64 minutes sans paroles, on y suit tout près de la peau et des râles, tout près, aussi, du débat contemporain, des humains sans ressources devenus (redevenus ?) proies des animaux. Une expérience immersive faite pour la salle, qui a seule les ressources techniques pour faire entendre en 5.1 ces sons enveloppants qui font imaginer l’animal avant de le voir, décuplent l’empathie et l’appréhension. « Sur un petit écran, ajoute le réalisateur, on voit les à-côtés quotidiens, le meuble, la lampe, alors que face à un écran de six mètres par quatre, on est dans l’image. Je voulais mettre le spectateur à la place de l’animal, et ça passe par la salle. »
Délibérément clivant, LES ANIMAUX ANONYMES rappelle que la salle de cinéma est un lieu de débat citoyen, auquel Baptiste Rouveure a à peine eu le temps de goûter en avant-premières comptées « sur les doigts d’une main ». Le film a tourné en festivals, surtout en ligne, mais les retours distanciels sont brouillés : les témoignages festivaliers se mêlent aux réactions à chaud sur seul visionnage de la bande-annonce, devenue virale sur les réseaux. Cette circulation virtuelle reste cependant féconde : en un an, LES ANIMAUX ANONYMES a récolté 14 prix dans une quarantaine de festivals internationaux : « Une aventure, résume le réalisateur, pour ce petit film projeté pour la première fois en plein air dans mon village de 500 habitants. » À chaque sélection, chaque prix, l’équipe réactualise sa communication. Ce « film sauvage, que personne n’attend » se renforce, se crédibilise, se fait attendre du public et, Baptiste Rouveure l’espère, des exploitants.