La Septième Obsession

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MON PARFAIT INCONNU

Entretien avec Johanna Pyykkö

Mon parfait inconnu de Johanna Pyykkö.

Le splendide film de Johanna Pyykkö nous a donné envie de nous entretenir avec la réalisatrice. Le long-métrage est à découvrir en salles tout l’été.

Plus qu'un film sur la mythomanie, MON PARFAIT INCONNU interroge en quoi la fabulation est un mode de défense contre toutes les normes sociales ?

Je pense que mentir a toujours été un outil pour les humains ; un outil de défense, de changement ou un outil de contrôle et de domination. Pour certaines personnes, mentir est un outil qui leur permet de vivre leurs rêves, au lieu d’affronter leur propre réalité.

La jeune Ebba pousse ses mensonges très loin. Je pense que cela commence étant jeune et naïf, comme un acte de défense peut-être, mais ensuite ses actions et son parcours prennent plus de dimensions. De nos jours, les mensonges fleurissent à de nombreux niveaux dans notre monde globalisé, et les mensonges sont utilisés à la fois par les privilégiés et les défavorisés. La Norvège est avant tout un pays privilégié. Même si Ebba est une outsider dans la société norvégienne, elle est affectée par la culture norvégienne et les normes générales lorsqu'elle tente de gagner le jeu de l'amour dans lequel elle s'est jetée.

Le film interroge les rapports de domination et de classe d'une manière tout à fait singulière. Comment l’avez-vous imaginé en l’écrivant et en le réalisant ?

Quelques jeunes femmes et filles mythomanes que j'ai rencontrées m'ont inspiré pour raconter une histoire sur le personnage principal d’Ebba. Les différents niveaux de problèmes sociaux dont parle le film sont quelque chose qu’une jeune Norvégienne comme Ebba connaît dans un certain sens, mais dont elle sait encore très peu de choses. C'était donc passionnant de laisser le cerveau et l’état d’esprit d'Ebba explorer les questions sociales du contrôle, de la domination, de la pauvreté, de la richesse, de la solitude et de l'amour dans un contexte européen plus large. En faisant cela, je voulais que le film ait un pouvoir qui lui soit propre et qu'il entremêle davantage de couches de mensonges, de mystère et de symbolisme. J'ai pensé à la capacité de notre cerveau humain en général. Nous, les humains, rêvons, imaginons des choses et mentons. J'ai l'impression que de nombreux films n'explorent pas suffisamment le potentiel cinématographique de cet aspect de notre existence.

Le titre reflète-t-il aussi l'idée que la fabulation – la fiction – est aussi ce qui mène à une véritable relation amoureuse ?

Oui et non. Dans notre quête de l’amour et dans le processus d’apprentissage de la connaissance, nous avons de nombreux préjugés, idées et rêves concernant notre futur partenaire. Notre imagination peut même nous tromper ou nous confondre. Nous, les humains, imaginons sans cesse ce qu’est l’amour et ce qu’il n’est pas. Nos cerveaux deviennent fous. Nous construisons des objectifs définis par nos rêves. Tout cela peut éventuellement mener à quelque chose de beau, de bon et de sain, ou bien tourner très mal. Je voulais que le film soit un balancier entre ces deux extrêmes.

Propos recueillis par Maryline Alligier par email, et critique du film à lire dans le numéro d’été de La Septième Obsession, actuellement en kiosque.

Mon parfait inconnu de Johanna Pyykkö en salles (Pyramide Distribution)